Santa-Sauveur underground

Par Josée Pilotte

Cette semaine, nous bouclons notre grand dossier sur la pauvreté. Une expérience enrichissante à tous points de vue.

Pas besoin de vous dire que nous en sommes tous sortis un peu plus «humanisés» de cette aventure sur le chemin de la pauvreté. 

Ça fait du bien de se plonger le cœur dans l’essentiel de la vie. On se sent plus vivant. Et puis, on regarde l’autre avec les yeux du cœur au lieu d’essayer de tout banaliser tout le temps.

Dans une société où tout va vite comme un train qui fonce à un rythme effréné, où il faut vivre et sentir l’extrême, toujours, aider son prochain offre «un break» dans le monde de performance qui nous est proposé comme modèle et dans lequel nous tentons tant bien que mal d’exceller tous.

Distribuer des boites de nourriture au sous-sol de l’église – l’underground de Saint-Sauveur –  un lundi matin, ça ne change pas le monde dans lequel nous vivons certes,  mais cela nous rend à tout le moins un peu meilleur. Laisser tomber les masques des préjugés et des idées préconçues pour se laisser la possibilité de voir que derrière ces gens, il y a une vie, une histoire, et qu’il y a derrière cette souffrance et ce manque d’argent des cœurs qui battent pour les mêmes maudites raisons que nous: vivre; aller vers le bonheur. La quête de tout être humain, qu’il soit pauvre ou riche.

Oui, ce petit croche au cœur de notre collectivité nous aura permis de voir le beau derrière ce qui nous confronte à nos propres limites.

Et d’avoir mis notre journal à contribution pour essayer de faire une toute petite  différence dans notre milieu,  et bien… ça nous remplit au ras bord de gratitude!

Mais. Il y aura aussi une autre petite chose qui m’aura remplie: c’est mon passage à la Cuisine collective. Je suis là aussi tombée du  haut de mes préjugés. Vraiment. Mais quelle belle organisation à démystifier! Je ne comprends pas pourquoi on ne met pas plus en valeur les bienfaits de la Cuisine collective sur une communauté : l’entraide, le partage, la rencontre de l’autre.

On croit à tort qu’il faut tirer le diable par la queue pour y avoir droit. Non. La Cuisine collective est accessible à tous. Il suffit de vouloir mettre la main à la pâte, et fournir douze piastres – modeste contribution – et quelques plats Tupperware vides pour que le tour soit joué.

Ce matin-là, j’ai été assignée aux «pétates», j’en ai coupé des «pétates» laissez-moi vous le dire! Thomas, lui était en charge de la salade de fruits. Martine elle, participait à la confection du gâteau aux bananes. Nous étions une dizaine de personnes attitrées à diverses tâches.

Je leur ai demandé d’ailleurs pourquoi il y avait si peu de monde:

«Les gens ignorent ce qui se passe ici et pourtant j’en parle. Personnellement, moi ça a changé ma vie», m’a répondu Marie-Claude, la responsable de la Cuisine collective.

Au-delà de la bouffe, c’est une occasion de se rassembler, d’être entre amis pour partager le fruit de son travail. Chacun y met de son grain de sel et la magie s’opère toute seule. Mais une magie peu connue du grand public. Vieux, jeunes, mères célibataires, retraités, Thomas, Martine et moi étions au sous-sol de l’église à cuisiner et à partager un moment de solidarité. Ça donne le sourire même à ceux qui l’auraient oublié, je vous le jure!

Avoir partagé cette journée avec ces personnes toutes aussi gentilles les unes que les autres, m’a fait réaliser que nous sommes pognés dans notre individualisme et nos préjugés. C’est fou comment on a pu évacuer en une génération, ces valeurs de communauté, qui font tant de bien en dedans!

Parce que n’oublions pas, que la cuisine a été, est, et sera le lieu de communion, de partage et de transmission des valeurs.  Cette communion, ce partage qui participent à la création du lien social, ce lien qui fait en sorte qu’on devient une vraie communauté.

Ce que je retiens de toute cette expérience? C’est que la Cuisine collective nous a permis de sortir de notre individualité pour partager un moment avec l’autre. Une Cuisine nourrissante, pas seulement pour le corps, mais aussi et surtout pour l’âme et le cœur.

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