Toute la beauté du monde

Par Josée Pilotte

Depuis une décennie, des magazines féminins jusqu’aux émissions d’Herby Moreau en direct des tapis rouges d’Hollywood, on s’est mis à nous rabâcher les oreilles avec la nouvelle Bonne Nouvelle: maintenant 40 ans est le nouveau 30 ans; 50, le nouveau 40, etc… Yééé! On a toutes rajeuni de 10 ans rien qu’en écoutant Entertainment Tonight.

Amen.

Et bien moi, je ne sais pas si c’est la quarantaine ou plutôt ma récente visite chez l’optométriste qui me fait (conce)voir la vie d’une autre façon… car sur un ton presque sarcastique, on m’a annoncé que, «dorénavant Josée, tu porteras des double-foyer». Moi?! Des double-foyer??!! Vous imaginez pas le choc que j’ai eu… M’en suis presque évanouie devant le rack à lunettes…

Or donc, je ne saurais jamais si c’est mes double-foyer qui me font pleurer ou bien la sagesse qui devrait venir avec qui me fait rire…

Mais.

Mais je me rappelle d’une phrase que mon beau-père Paul disait souvent, en essuyant une larme au coin de l’oeil: «Plus tu vieillis plus tu t’émerveilles et plus tu brailles devant de petits riens.» 

Me semble que je suis un peu jeune pour un retour à l’enfance – comme pour les double-foyer d’ailleurs –, ce temps où nous avions encore la capacité de transformer une flaque d’eau en océan, notre chien en cheval, une boîte de carton en château, nos parents en héros… Ce temps où nous avions encore le don de l’émerveillement.

Tenez, justement….

Récemment on a organisé une partie de hockey au p’tit lac, à quelques pas de chez moi. Fallait nous voir! Trois familles, toutes chargées comme des mulets, traversant les bois le coeur joyeux.

Comme dans l’temps, on a «pelleté le lac», on s’est fait un feu pour se réchauffer.

Comme dans le temps, on a chaussé nos patins le dos accoté au vieux sapin. Et puis, ben… ben on a JOUÉ.

Vous me direz c’est quoi le rapport entre le beau-père, les double-foyer, Herby Moreau, une boîte en carton et le p’tit lac, Jopi? Le rapport? Et bien je vais vous le dire drette-là: c’est que, quand je nous ai tous vus, jouant là sur le p’tit lac, au beau milieu de la forêt… Et ben, le rapport… c’est qu’il y a eu, là sur le p’tit lac, une p’tite larme… oui, une petite larme de joie qui est tombée. C’est pas mêlant, j’écris ça et j’ai l’impression d’avoir la nostalgie d’une ancêtre.

Pour moi, 40 ans c’est le nouveau 70!

Oui, mes 40 ans m’auront fait apprécier davantage la beauté, la Beauté de ce qui m’entoure. Ce n’est pas mêlant, ça fait 15 ans que j’habite Morin-Heights. Même maison, même chum, même job.

Et bizarrement, c’est aujourd’hui que je (re)découvre mon environnement. Ma forêt, que pendant des années je n’avais qu’à peine remarquée. Cette beauté, cette richesse étaient là, sous mes fenêtres, sous mes yeux, sans que je ne la remarque vraiment. Et là, j’y trippe comme une folle!

Au fond, si je résume les tranches de ma vie, elles se déclineraient ainsi:

20 ans: Insouciance.

30 ans: Performance.

40 ans: Tu brailles presque en humant la rosée du matin.

 Mon grand-papa a eu un gros 88 ans la semaine dernière. Je lui ai demandé justement à quel âge avait-il essuyé sa première p’tite larme sur toute la beauté du monde?…

«Et bien, ma petite fille, je te dirais… vite comme ça…

… C’est quand ma vue a commencé à baisser.»

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