Un chaos d'émotions

Par Josée Pilotte

Outre la température qui a pris une grande place dans nos conversations cette semaine, plusieurs petits sujets ici et là m’ont interpellée.

D’abord, j’ai entendu au 98,5 FM l’entrevue qu’a faite Paul Arcand avec Stéphane Gendron au sujet du documentaire Mourir qui sera diffusé à Canal D le dimanche 21 février à 22 h. Gendron explique sa hantise de la mort, la sienne, mais surtout celle de sa conjointe et de son « clan », comme il le dit si bien.

Je ne suis pas une grande fan de Gendron, même si à une certaine époque il a écrit quelques billets dans nos pages, mais mercredi dernier, assise dans ma bagnole, je dois avouer qu’il est venu me chercher, le petit maudit! Ça a résonné fort comme on dit.

La peur de la mort qui obsède, qui tiraille en dedans sans que tu ne saches vraiment pourquoi, Gendron se l’explique aujourd’hui comme étant le syndrome du fils unique.

« La peur de perdre un élément de ton clan, ta famille, celle que tu n’as jamais eue… » Je ne sais pas si j’étais plus émotive ce matin-là, mais j’avais le motton.

Vais-je écouter son documentaire, je ne sais pas. Les quelques minutes d’entrevue avec Paul Arcand m’ont suffi à me mettre tout à l’envers. Toutefois, ne vous fiez pas à moi, je crois que le docu en vaut la peine.

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Dans un autre registre, j’ai vu le dernier Lelouch au Cinéma Pine samedi soir dernier. UN + UNE. Avec le beau Jean Desjardins et Elsa Zylberstein. Mon chum vous dirait que c’est un film de filles. N’allez surtout pas le croire, moi je dis plutôt que c’est un très beau film. Et c’est en Inde que le cinéaste est allé promener ses caméras et rien ne lui a échappé. La lumière, les couleurs de l’Inde, le jeu des acteurs, tout est là pour nous faire sourire, nous faire rêver aussi. Une aventure romantico-sentimentale certes, mais au-delà de ça, il y a le personnage central de l’histoire : l’Inde. Ce pays vaste et mystique que je rêve de visiter depuis que je suis adolescente. Allez-y le voir, ne serait-ce que pour le voyage.

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Lu cette semaine dans La Presse+, l’article de la journaliste Hélène Baril : Devenir le dernier imprimeur. Il traite entre autres de la rumeur de la mort prochaine de l’impression. Le président et chef de la direction de TC Transcontinental, François Olivier, a tenu à préciser que même si l’impression des journaux et des circulaires décroît, cela est moins catastrophique que ça en a l’air. Selon lui, ce n’est qu’une question de temps avant que d’autres éditeurs frappent à leur porte. La perte du contrat d’impression de La Presse en semaine a été largement compensée selon lui.

Eh bien, je suis contente de l’entendre.

Là où ça m’a le plus interpellé, c’est quand François Olivier a parlé de ses hebdos. Il relate la guerre que Québecor a livré à Transcontinental qui a précipité le déclin des hebdos au Québec. On en paye tous encore aujourd’hui les frais.

Il dit aussi ceci : « Quand je ferme un hebdo, les gens m’appellent pour nous dire : ‘’ Tu ne peux pas faire ça. ’’ Je dois expliquer — même aux élus — que c’est moi qui paie pour le papier, pour l’impression, pour les journalistes et pour livrer le journal à ta porte et ça ne coûte rien et moi je perds de l’argent ».

Et v’là dans les dents; il a finalement craché le morceau.

Je suis moi-même éditrice-propriétaire depuis 18 ans, et j’avais quasiment oublié l’essentiel de toute l’affaire : la gratuité de nos hebdos. Votre hebdo. Ça fait des années que je martèle le message de l’importance de ceux-ci dans nos communautés, mais je constate bien malheureusement que le message ne semble pas avoir de résonance.

Vous le voyez vous aussi : de plus en plus, nos journaux diminuent en nombre de pages chaque semaine depuis les deux dernières années. Ça fait peur à regarder. J’ai peur quand je regarde le mien.

Le plus frustrant dans toute cette histoire, c’est que cela est hors de mon contrôle. Nous sommes dans une pente glissante et on ne sait pas quand tout ça va s’arrêter. Ce n’est pas juste une question d’adaptation aux nouvelles technologies, c’est à mon avis beaucoup plus complexe que ça.

Je dis souvent : un hebdo, ce n’est pas un commerce comme les autres. Un hebdo, c’est vous, c’est moi, c’est nous. C’est le reflet d’une communauté. Et si, un jour, il disparaît parce qu’on n’aura pas su quoi faire, eh bien, ça sera un peu de nous que nous enterrerons avec. Un peu de notre histoire aussi.

L’article se termine sur une éloquente citation de M. Olivier : « Si les revenus publicitaires ne sont plus au rendez-vous, ça ne pourra pas continuer très longtemps comme ça. Les gens pensent que les journaux, ça leur est dû, mais ce n’est pas comme ça que ça marche. Nous sommes prêts à continuer de supporter ça, mais jusqu’à un certain point. Si les tendances continuent et sans implication des communautés, il va y avoir moins d’hebdos. »

Pour une éditrice qui voit son « bébé » dépérir à vue d’œil, avec la sensation de perdre le contrôle sur sa pérennité, c’est dur à entendre. C’est difficile de le concevoir même, mais c’est la réalité. La dure réalité. Une voix qui s’éteint dans le monde des médias, c’est une perte de trop. Notre monde a besoin que nos enjeux, notre identité, nos aspirations soient mis en lumière. Et croire qu’on y arrivera sans la présence des médias, c’est rêver en couleurs.

Et pour une fois que c’est quelqu’un d’autre que moi qui le dit, ça me fait du bien!

Pour revenir à Lelouch, sa force est de nous permettre de nous identifier, de nous voir à travers ses histoires, ses images, tout comme un journal tel que le nôtre. Je ne voulais pas faire de parallèle boiteux, mais j’en fais un pareil. Désolée.

Et comme les personnages dans la dernière œuvre de Lelouch, j’aurais bien besoin de me faire bercer par Amma, cette gourou indienne qui symbolise l’amour en prenant les gens dans ses bras.

Finalement, après cette semaine forte en émotions, la solution serait peut-être d’aller en Inde voir si j’y suis! Namasté!