La parité aux JO?
Par Frédérique David
Dès les premiers jours des Jeux Olympiques, on s’est empressé d’annoncer la parité parmi les athlètes. Pour la première fois depuis sa création en 1896, la compétition accueille autant d’hommes que de femmes parmi les 10500 athlètes des délégations. Il aura fallu 128 ans et bien des luttes pour une parité qui, si on gratte un peu, s’avère loin d’être parfaite.
Une longue lutte
L’histoire des JO est marquée par le même sexisme que celle de l’humanité. À l’époque de la Grèce antique, les femmes n’avaient pas le droit d’assister à des compétitions sportives sous peine de mort, sauf les esclaves et les filles vierges! Une exclusion maintenue par Pierre de Coubertin lorsqu’il a fondé le Comité International Olympique (CIO) en 1894. Ardent défenseur des valeurs patriarcales de son temps, qui associaient les sports à des qualités présumées masculines (virilité, force, courage), il s’est opposé à toute participation féminine aux JO d’Athènes de 1896. La compétition était pour lui « l’exaltation solennelle et périodique de l’athlétisme mâle avec […] l’applaudissement féminin pour récompense » (1912). Il faudra attendre les JO de Paris, en 1900, pour assister à la première participation de femmes. Elles étaient alors 22 pour 975 hommes, et n’avaient le droit de concourir que dans quelques disciplines (golf, tennis, voile, croquet et équitation). Par la suite, de nombreuses femmes ont milité pour obtenir leur place, comme la Française Alice Milliat. Elle est à l’origine des quatre Jeux mondiaux féminins qui se sont tenus entre 1926 et 1934 afin de prouver aux dirigeants masculins du CIO la capacité sportive des femmes. L’action de groupes féministes aura été déterminante pour contrer les milieux conservateurs et misogynes de l’époque où Pierre de Coubertin déclarait : « Je n’approuve pas personnellement la participation des femmes à des concours publics » car cette « olympiade femelle serait inesthétique, inintéressante et incorrecte ». Ce n’est qu’en 2012, à Londres, avec l’introduction de la boxe féminine, que les femmes ont été présentes dans toutes les disciplines sportives. Et depuis 1991, tout nouveau sport souhaitant être inclus au programme olympique doit obligatoirement comporter des épreuves féminines.
Des inégalités persistantes
Mais à l’heure des Jeux les plus paritaires de l’histoire, il importe de rappeler que l’inégalité hommes-femmes demeure dans l’accès aux sports de compétition et aux responsabilités sportives. En France, sur 36 fédérations olympiques, seulement deux sont dirigées par des femmes. On ne sera pas étonné de voir le Canada en meilleure position, avec 47% de femmes à la tête de 90 organismes sportifs sondés par Femmes et sport en 2022. Les inégalités hommes-femmes demeurent également importantes parmi les athlètes de certains pays. Ces disparités sont le reflet d’inégalités persistantes dans la société. Et si l’on aborde la rémunération des athlètes, on réalise que le chemin qui mènera à une véritable parité est encore long!
L’hypersexualisation des athlètes féminines
Si la femme n’est plus perçue comme une « future mère de famille » et que ses compétences athlétiques ont enfin été reconnues, les athlètes féminines subissent encore des pressions, notamment en ce qui concerne les règles vestimentaires. Certains pays conditionnent la participation des femmes à des diktats vestimentaires, tandis que certains sports imposent des règles vestimentaires véhiculant une image sexy. Le volleyball de plage a longtemps exigé le bikini pour les femmes tandis que les hommes pouvaient porter un short! Les règles ont changé depuis que des athlètes norvégiennes ont enfreint les règles au championnat d’Europe de 2021 et reçu une amende (payée par la chanteuse Pink!), pour finalement obtenir le port de « pantalons courts et ajustés » et de « débardeurs body fit ». Mince victoire contre le sexisme dans le sport! Mais en gymnastique, les athlètes masculins sont en pantalon tandis que les femmes portent toujours un justaucorps!
Dernière preuve de traitements inégaux et sexistes, les cadreurs des JO 2024 ont été sommés de filmer les épreuves de la même manière, qu’il s’agisse de femmes ou d’hommes. Un « biais inconscient » aurait été observé. L’image de la sportive « sexy » est malheureusement encore trop présente dans les médias. Des athlètes n’ont pas hésité à poser nues pour décrocher plus de commanditaires. D’autres, dénoncent le diktat de la beauté dans le sport. « Chez les hommes, je trouve que la performance est davantage mise en avant. Chez les femmes, il faut se battre si l’on ne rentre pas dans les critères de beauté prédéfinis par la société », déclarait l’escrimeuse olympique française Charlotte Lembach, en 2022 à France Info. C’est tout un écosystème incluant les médias, les commanditaires, les fédérations sportives, les athlètes et les agents qui est à changer. La parité, ce n’est pas pour tout de suite!