L’été, ce brin d’herbe
Par Mimi Legault
Avez-vous déjà vécu le nirvana? Ça m’est arrivé deux fois. Je devais avoir une dizaine d’années. J’étais le garçon manqué de la famille. Pas de robes ni de poupées. Plutôt des bâtons de baseball, de hockey, des fusils pow pow t’es mort. Mes parents avaient fini par comprendre mes besoins. Mi-juillet, il faisait beau, chaud et sec. Un vrai été avec un ciel bleu floconné de nuages blancs et bouclés. Après le dîner, alors que je m’apprêtais à retourner jouer dans le bois avec mes amis, ma mère me présenta une grosse boîte enveloppée d’un ruban bleu. C’est quoi? Ouvre, m’ordonna-t-elle en me souriant et en jetant un regard complice à mon père.
Ce n’était même pas ma fête et pourtant c’était l’un des plus beaux cadeaux de ma jeune vie : dedans, il y avait une paire de jeans bleu pâle. Sur les poches en broderie, un cowboy faisait un rodéo sur son cheval. Une veste également en denim accompagnait l’ensemble. Trois t-shirts d’un blanc immaculé trônaient au fond de la boîte. Attends, ce n’est pas tout, me dit maman. Mon père tenait dans ses mains une magnifique paire de bottes de cowboy. J’étais sans voix. J’ai tout enfilé en trois secondes et quart. Après les avoir chaleureusement embrassés (mes parents, pas mes bottes), je suis sortie de la maison. Le soleil brillait par sa présence; j’ai fermé les yeux : le nirvana. Un moment d’éternité, une sérénité complète. À ce moment, j’ai aimé l’été, comme s’il m’avait enveloppée d’une chaleur telle qu’il ressemblait à celle de mes parents. Tout était parfait. Plénitude!
L’été que l’on vit présentement n’est pas très jojo. Un été radin et une chaleur comment dire, torrentielle. Des canicules, des orages qui se présentent comme de la visite que l’on n’attendait pas. Des feux de forêts qui boucanent nos vies. Des pluies qui noient les routes. Au golf, lorsque ma balle dévie, on me serine de faire attention à l’herbe haute à cause des tiques et la maladie de Lyme. J’écoutais les infos à la télé et à la fin, le lecteur aurait tout aussi pu terminer en disant : pour ce qui est de la météo, elle sera demain tout aussi horrible que l’étaient les nouvelles d’aujourd’hui. Au moment où j’écris ma chronique, on annonce un facteur humidex de 40 celsius.
J’ai l’air de me plaindre et j’ai probablement la chanson. Ce n’est pas le cas, je constate. Tenez, je me tiens à l’ombre et à l’eau. J’ai eu ma leçon. Un beau jour d’été de canicule, je déambulais la route en patins à roulettes. Autour de midi alors que le soleil était à son zénith. Je sais, pas fort mon affaire. C’est arrivé soudainement : d’abord la tête qui bourdonne, les battements du cœur qui s’accélèrent, des étoiles devant mes yeux. À la toute dernière minute, j’ai aperçu un monsieur qui arrosait ses fleurs. J’ai roulé difficilement vers lui, suis tombée sur sa pelouse et je lui ai demandé de m’arroser avec son boyau. Ce qu’il a d’ailleurs fait généreusement. De la maison, son épouse qui l’avait vu faire était sortie en lui criant : mais Farnand, viens-tu fou?
Ce coup de chaleur a eu comme conséquence, d’avoir de la fièvre pendant quelques jours. Méfiez-vous de dame température lorsqu’elle décide de prendre l’ascenseur! J’ai lu dernièrement qu’au lieu de s’appeler météo, un site a choisi de se donner comme nom : administration des services scientifiques pour l’étude des phénomènes atmosphériques. La belle affaire! Quand même, cela ne nous empêchera pas de recevoir 15 mm de pluie quand ils auront annoncé partiellement nuageux.
Il paraît que l’été humide que nous connaissons, est dû à El Nono (je le nomme ainsi, ça me fait du bien…). Je pense surtout que la planète a un sérieux problème. La météo ressemble désormais à une longue hésitation. Mais mais mais qu’à cela ne tienne. Si la température ne changeait jamais, la moitié du monde n’aurait aucun sujet de conversation.
Bon été…quand même.