Lettre à ma mère

Par Mimi Legault

À l’aube de la fête des Mères, j’ai pensé écrire à la mienne ne serait-ce que pour faire réaliser que s’il y a un seul jour pour lui dire je t’aime c’est bien celui-là. Profitez de ce beau dimanche, le 12 mai prochain, pour réaliser votre chance d’avoir encore votre maman. Petite parenthèse, j’ai perdu ma mère le jour de la fête des Mères et mon père, à la fête des Pères. P’tits comiques…

Chère maman,

Ça me fait tout drôle de t’écrire une lettre aussi médiatisée. Remarque que j’aurais pu me faire plus discrète. Ne m’en veux pas; parce que même de là-haut, tu trouverais bien le moyen de me faire savoir ton mécontentement. J’ignore si je te l’ai déjà dit, mais j’ai toujours trouvé ton prénom formidable : Céleste. C’est « haut » comme prénom. C’est grand. Quand on le prononce, c’est comme entendre cette expression que j’affectionne particulièrement : the sky is the limit. Comme l’a chanté notre Ginette nationale : lorsque ton prénom a l’air d’un mot gentil…

Ton signe zodiaque est le taureau. Pas besoin, bonté divine, d’être un médium pour le deviner, comme tu aimais tant à le dire. Pour foncer, tu fonçais, mais pour aimer, tu aimais… Jamais de zone grise avec toi. C’était tout ou rien. Justement, ce sont ces « tout » que j’ai profondément aimés. Ton tout, c’était ton homme et tes filles. Un amour inconditionnel qui a marqué à tout jamais ma mémoire d’enfance heureuse. Oh! Tu n’étais pas de tout repos. Ça non. Je n’ai pas eu une mère parfaite, Dieu merci! C’est justement ce que je tente de t’exprimer : j’ai aimé tes hauts et tes bas, tes colères et ta tendresse, tes extravagances et tes faiblesses, tes rires et tes larmes. J’aimais par-dessus tout ta coquetterie, une garde-robe qui aurait fait rougir plus d’une star. 33 sacoches et autant de paires de souliers pour aller avec. Des dizaines de pots de crème et de parfums.

J’ai aimé ton côté fier et féministe. Ton côté avant-gardiste, aussi. Qui a eu une mère dans les années soixante qui a adopté un jour la méthode bio? Ou qui a pris des cours de yoga alors que l’on connaissait à peine le mot? Ou encore, qui a suivi des cours de cuisine avec un grand chef et qui nous a fait connaître des crêpes flambées au Grand Marnier? Papa avait manqué mourir de peur en croyant que la maison passerait au feu…

Lorsque je pense à toi maman, c’est entre autres le mot « recettes » qui me vient en tête. Tu sais, j’ai gardé ton livre dans lequel tu copiais les meilleures, mais je n’ai jamais été capable de réussir ton gâteau à la mélasse ni ton ketchup aux fruits, l’automne venu. J’ai compris pourquoi : les quantités, c’était un peu de farine, ça de sucre. Et le tour était joué. Fallait seulement être capable de lire entre les lignes.

Tu as été une grande dame. Une femme qui savait ce qu’elle voulait et qui allait droit au but. Comme Maurice Richard, tiens. Pour scorer, tu scorais. Tu as battu bien des records dans le grand livre de la Vie. Parce que la Vie Céleste, tu me l’a enseignée sous bien des angles, mais surtout sous celui de l’Amour.

Je te remercie de m’avoir accueillie telle que j’étais en ne me demandant pas d’être une autre. Je n’oublierai jamais ton expression favorite lorsque tu répondais à la question : combien tu avais d’enfants. Tu disais avec grande fierté : j’ai quatre filles, quatre filles uniques. Le dernier souvenir que j’ai gardé de toi, c’est le dimanche avant que tu meures dans ton sommeil, pendant que nous attendions nos rôties devant le grille-pain, dans un élan maternel, tu m’avais prise dans tes bras en me disant : hé que je t’aime! C’est une chronique qui m’a été pénible à écrire, la boîte de mouchoirs jetables à mes côtés. Alors je vais terminer en toute simplicité. Même après toutes ces années maman, bonté divine que tu me manques…

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