Mon hebdo, j’y crois

Par Marie-Catherine Goudreau

Durant la pandémie, le mot communauté a gagné une place importante dans nos vies. Isolés dans nos maisons, coupés du monde extérieur, sans interactions humaines ou presque, nous nous sommes tournés vers nos voisins et les commerçants de nos villages et nos villes pour faire face à cette crise sans précédent. Certains se sont tournés vers leur journal local.

Ça fera bientôt deux ans que je travaille dans un journal local à Saint-Sauveur dans les Laurentides. La pandémie a accéléré à vitesse grand V mon intégration au métier de journaliste en région. J’ai donc eu la chance de voir au premier plan l’impact qu’un hebdomadaire pouvait avoir dans sa communauté.

Travailler dans un journal local, c’est avoir accès facilement aux politiciens et aux nouvelles municipales, comme avoir le numéro de la mairesse dans son cellulaire. Mais c’est aussi de rencontrer des personnes sur lesquelles tu écris chaque semaine dans les allées de chez Métro ou sur la rue Principale de ton village. J’ai vite appris que cette proximité peut avoir ses avantages et ses inconvénients.

Malgré cela, je suis convaincue que le journal local reste un essentiel et qu’il est en quelque sorte le pont qui connecte les citoyens à leur communauté.

Du national au local

Dans les petites villes comme les nôtres, avec moins de 100 000 habitants, les lecteurs sont d’autant plus nombreux et intéressés aux nouvelles locales. L’hebdo local est le seul qui traite des enjeux municipaux et cela a un impact direct sur ses habitants et le vivre-ensemble de toute sa communauté.

Le journal est aussi là pour informer de l’impact d’une nouvelle nationale sur notre ville. Nos entreprises locales qui font face à la pénurie de main d’œuvre, nos fermes qui participent à l’autonomie alimentaire de la région, nos organismes qui aident les immigrants à s’intégrer dans nos villes : ces histoires, petites et grandes, sont racontées par votre journal chaque semaine.

Une tendance vers le bas

Toutefois, les géants du web ont changé complètement le modèle d’affaires des journaux. Les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ont englouti 80 % du marché publicitaire numérique au cours des dernières années. Les entreprises se tournent vers eux, alors que c’est bien moins cher de payer de la publicité en passant par ces plateformes. Mais les journaux ne peuvent pas leur faire compétition.

Les revenus des médias locaux ont donc baissé, drastiquement. De 2015 à 2019, les revenus publicitaires ont diminué de 37 %, alors que généralement, ceux-ci représentent 98 % des revenus d’un journal. Plusieurs médias ont donc disparu dans la province et les journaux locaux ont dû réduire leur portée.

Année après année, les copies sont de moins en moins nombreuses. En 2020, les hebdomadaires publiaient 2,9 millions de copies, alors qu’ils en publiaient 3,4 millions en 2019. C’est un triste portrait, quand on regarde en arrière, il y a 10 ans, lorsqu’on distribuait le double de copies.

Les grandes agences de publicité ont leur rôle à jouer dans ce déclin. Elles détournent les annonceurs et leur budget des médias traditionnels et en tirent profit au passage. Rien pour améliorer la crise des médias, déjà grave.

Regarder vers l’avant

Nos régions et leurs habitants ont une appartenance à leurs médias locaux. Mais ils oublient trop souvent que derrière un journal local, il y a des artisans et une entreprise qui a besoin de revenus publicitaires pour fournir une information de qualité, livrée « gratuitement ». Et c’est là le nerf de la guerre.

Le journal local offre chaque semaine son contenu à tous les lecteurs de sa communauté, et les coûts pour collecter, traiter et distribuer une nouvelle, ils sont presque les mêmes, qu’elle soit vue par 10 000 ou 100 000 personnes.

Les gouvernements ont récemment réagi en aidant les salles de presse qui se vident littéralement depuis plusieurs années. Par exemple avec l’Initiative de journalisme local qui vise à supporter les communautés mal desservies à travers le Canada ou les crédits d’impôt pour les salles de presse. Mais même si les gouvernements tentent de soutenir les journaux locaux, ceux-ci n’y arriveront pas sans la prise de conscience de toute leur communauté.

Nos régions ont besoin de lumière, de faire parler d’elles, d’exprimer leur identité propre. Sans les journaux locaux, nous risquons de passer sous le radar. Qui portera les petites nouvelles si on ne le fait pas ? Qui questionnera le maire de Saint-Hippolyte, élu par seulement 23 % de la population ? La culture est si unique et importante pour notre région : qui parlera de nos artistes émergents, si ce n’est pas le journal local ?

Nos élus, nos municipalités, nos villages, ont un rôle à jouer pour assurer l’accès à un journalisme crédible et de qualité afin de préserver une saine démocratie. Un hebdo, c’est notre esprit d’appartenance à notre territoire, c’est celui qui écrit chaque semaine nos histoires pour en faire œuvre de mémoire.

1 commentaire

  1. Votre article est malheureusement biaisé sous plusieurs aspects. Vous tentez d’identifiez les coupables de votre déchéance: firmes de pub, GAFA, etc. Selon moi, l’information libre d’influence n’est plus dans les journeaux locaux. Pour vendre de la publicité, les propriétaires de journeaux locaux ont fait le choix de ne déplaire à personne et l’information complaisante leur a coupé les ailes. Comme rien ne satisfait ceux qui recherchent une information juste sur les sujets plus sensibles, une information basée sur un réel travail journalistique, ceux-ci se sont tournés vers l’information web avec ses forces et ses faiblesses. Ils doivent faire eux-mêmes le tri et l’analyse des sources pour se faire un portrait à peu près réaliste des choses.

    Les firmes de publicité conseillent leurs clients sur ce qui est rentable pour leur entreprise. Le ratio coût/bénéfice est le seul qui compte. La survie du journal local n’entre pas en jeu sous cet aspect.

    Vous plaidez l’aide gouvernemental en vous déclarant essentiel pour la survie démocratique alors que vous vous êtes placé sur la touche en teintant rose bonbon les pages de votre journal. Sous des apparences d’articles réellement journalistiques, vous publiez des infos pub. Ce n’est pas nécessairement mauvais, mais ça ne justifie certainement pas une aide financière pour votre survie. Redevenez ce que vous saviez être, engagez de vrais journalistes et laissez les faire le travail pour lequel ils sont formés, pour lequel ils peuvent faire une différence. Cessez de filtrer les commentaires de vos lecteurs pour ne choisir que ceux qui ne dérange personne (je suis personnellement incapable de commenter sur la page Facebook de votre journal).

    Le déclin du journalisme de région a ses causes, votre article, par peur de remise en cause, rate totalement la cible. Voyez la poutre dans votre oeil plutôt que la paille dans celui du voisin.

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