Hockey féminin dans les Laurentides: Manque de volonté et de vision dans certaines villes?
Le 19 juin dernier, le Centre 21.02 tenait de manière virtuelle le tout premier Sommet du hockey féminin. C’était l’occasion de rassembler les constats et les idées concernant le fonctionnement du hockey pour les filles et les femmes au Québec afin, à terme, de proposer des recommandations.
Michel Gravel, président du programme sport-études en hockey féminin dans les Laurentides, faisait partie du groupe de travail du Sommet. Cela fait déjà 15 ans que monsieur Gravel s’implique pour le hockey féminin, d’abord comme père. À l’époque, sa fille évoluait au hockey masculin, puisque le volet féminin était très peu développé et mal organisé. « Je voyais qu’il manquait cruellement de ressources et il en manque encore aujourd’hui », indique-t- il.
Depuis, il s’est impliqué à plusieurs niveaux pour bonifier et développer l’offre dans la région. Avant de se concentrer uniquement sur le programme de sport-études, il était président de l’Association de hockey féminin des Laurentides. À son arrivée, celle-ci était en très mauvaise posture. Seulement 110 filles, sur une population de près de 600 000 personnes, évoluaient alors au hockey féminin dans la région.
Beaucoup de potentiel inexploité
Une petite fille qui débute au hockey a généralement le choix de jouer avec les garçons ou avec les filles uniquement. La première option nuit très souvent au développement de la joueuse, selon Michel Gravel. Il explique que le processus de maturation est bien différent : au niveau atome (9-10 ans), par exemple, les joueuses sont souvent plus grandes et plus fortes physiquement que les garçons, en plus d’être plus matures mentalement. La fille est donc plus rapide et plus habile que ses coéquipiers. Malgré tout, le milieu étant toujours « un milieu d’hommes », on ne voudra pas qu’elle prenne la place d’un garçon.
Ainsi, on aura tendance à faire évoluer les filles à des niveaux inférieurs à leur talent. Sinon, on les positionnera à la défensive ou dans les buts. Leur potentiel est ainsi très mal exploité. Et c’est sans oublier l’ambiance malsaine qui peut régner dans un vestiaire, en tant que seule fille de l’équipe. Malgré tout, des parents pensent que leur fille se développe plus rapidement avec les garçons, car le jeu est plus physique. Or, c’est ce jeu physique et l’arrivée des mises en échec, vers 13 ans, qui empêchent souvent les joueuses de continuer leur cheminement. « Les filles, ce n’est pas ce qu’elles veulent. C’est plutôt de la finesse, des habiletés pures et de la vitesse », souligne Michel Gravel.
Assurer la qualité
Monsieur Gravel croit que les joueuses peuvent davantage développer leurs habiletés sportives, mais aussi leur leadership et leur confiance en soi, au hockey féminin. Mais pour que les filles et leurs parents choisissent cette avenue, l’offre doit être accessible et de qualité.
« Comme président [de l’Association de hockey féminin des Laurentides] je savais qu’on ne pouvait pas obliger les filles à jouer avec les filles. Donc, on est allé chercher les meilleurs entraineurs possibles, les meilleurs bénévoles et on a positionné les filles dans une situation de réussite, avec de bonnes heures de glace. Le but était de créer un milieu où, sans forcer personne, les parents et les filles se diraient : c’est là qu’on veut être. » Résultat? Aujourd’hui, il y a un peu plus de 300 filles en hockey féminin dans la région, comparativement à environ 110 en 2014. Des heures et des heures de travail se trouvent derrière cette augmentation.
Travailler sur l’accessibilité
Cependant, l’accessibilité demeure le nerf de la guerre dans la région. Sur 76 municipalités dans les Laurentides, l’Association de hockey féminin a conclu un protocole d’entente avec 15 d’entre elles. Les villes qui entrent dans le protocole d’entente fournissent des heures de glace ou un montant d’argent équivalent à la différence entre le prix d’inscription « protocole » et « hors-protocole », au prorata de son nombre de filles inscrites.
L’entrée dans le protocole d’entente fait toute la différence en termes d’argent. Une jeune fille qui s’inscrit dans une ville « protocole » doit débourser 260$, alors que le prix est de 945$ dans une ville « hors-protocole ». Michel Gravel déplore le manque de volonté et de vision de certaines villes et municipalités.
Cette situation peut avoir un effet déplorable sur la suite des choses. En effet, étant donné que peu de villes font partie du protocole d’entente, moins de filles s’inscrivent. Ainsi, le bassin de joueuses est plus petit et les heures de glace sont centralisées à certains endroits seulement, ce qui nuit à l’accessibilité du sport. Michel Gravel donne l’exemple de jeunes joueuses du sport-études qui partent de Mont-Laurier et viennent en pension à l’école secondaire pour poursuivre leur progression.
Plus de volonté, plus d’adhésion et plus d’heures de glace
Naturellement, pour qu’une association soit organisée, compétitive et équilibrée, le bassin de joueuses doit être significatif. « Si on avait plus de filles dans le Nord, on aurait plus d’heures de glace et donc plus d’activités dans le Nord aussi. » Les joueuses pourraient alors jouer à proximité de leur domicile, dans des arénas de leur région, au lieu de faire plusieurs heures de route par semaine.
Il y a un engouement important et un énorme potentiel, selon l’optimiste Michel Gravel. L’Association jouit actuellement d’une excellente situation financière. Les gens en place et les entraineurs sont dédiés. « Tout est là pour que ça fonctionne ». Maintenant, il ne manque qu’un peu plus de volonté dans certaines villes, qui mènerait ultimement à plus d’adhésion, à davantage d’heures de glace et à une plus grande accessibilité.
–
Les villes des Laurentides dans le protocole d’entente
- Boisbriand
- Blainville
- Bois-des-Filion
- Deux-Montagnes
- Lorraine
- Rosemère
- Sainte-Annedes-Plaines
- Mirabel
- Saint-Jérôme
- Saint-Eustache
- Saint-Hippolyte
- Sainte-Thérèse
- Sainte-Sophie
- Prévost
- Saint-Placide