Rocio Hernandez court un 40e marathon à 41 ans
Dans le dernier mois, Rocio Hernandez a complété son 40e marathon sur le P’tit Train du Nord, en plus de compléter, quelques semaines plus tard, son année de francisation au Cégep de Saint-Jérôme. Rencontre avec une femme et une athlète d’exception.
D’un petit village au Mexique au marathon de Boston
Rocio naît et grandit dans un petit village dans la forêt, au Mexique. Une fois l’école primaire terminée, son seul moyen de poursuivre ses études est de se rendre en ville. À 12 ans seulement, elle déménage. Dans son village natal, il n’y a ni électricité, ni voiture. Rocio doit marcher trois heures uniquement pour se rendre à l’autobus qui la mène à la ville. Elle n’a aucun moyen de communiquer avec sa famille. Elle se sent seule, triste et isolée.
Un jour, elle aperçoit un groupe de personnes qui courent, avec un entraîneur. Elle s’approche et demande si elle peut participer. Et c’est comme ça que Rocio commence à courir. Dans la journée, elle va à l’école et le soir, elle s’entraîne. Ce qui était initialement un moyen de se changer les idées devient rapidement une passion.
Son talent exceptionnel ne passe pas inaperçu. À 18 ans, Rocio court son premier marathon, qu’elle remporte. Elle participe à des compétitions nationales au Mexique et parcourt le globe. Boston, Pérou, Uruguay, El Salvador, Brésil, France : elle complète des marathons un peu partout dans le monde et particulièrement en Amérique latine.
À l’université, elle étudie en ingénierie, un baccalauréat que l’école lui paie en raison de son talent de marathonienne. Pendant 17 ans, Rocio travaille en ingénierie industrielle dans le domaine de l’automobile, puis travaille pour Bombardier en aéronautique pendant 5 ans.
Arrivée au Québec
Il y a 1 ans et 5 mois, Rocio s’installait à Saint-Jérôme avec son mari, résidant dans la province depuis une dizaine d’années. Sa langue maternelle étant le portugais, elle ne connait rien au français. « Je suis arrivée ici en pandémie et c’était très difficile. Quand j’ai commencé à étudier la francisation, ma vie a changé », affirme-t-elle. Pendant quatre sessions de trois mois, Rocio suit des cours de français dans les locaux du Cégep de Saint-Jérôme.
Jean-Pierre Hellebaut est animateur et agent d’intégration dans les classes de francisation du Cégep depuis 10 ans. Dans la dernière année, il a eu la chance de côtoyer Rocio. « Je rencontre au quotidien des destins exceptionnels, des gens très talentueux dans leur domaine, qu’il soit professionnel, sportif ou artistique. Je rencontre des gens comme cette dame qui a couru son 40e marathon », souligne l’animateur. C’est un « exploit hors du commun », ajoute-t-il.
40e marathon à 41 ans
Initialement, Rocio voulait courir son 40e marathon pour ses 40 ans. Mais des blessures l’ont rattrapée et elle a dû repousser son objectif à cette année. Non seulement s’agissait-il de son 40e marathon, mais c’était aussi son dernier. « Mon médecin m’a dit que je devais arrêter, parce que mon genou est fini », indique la marathonienne. Elle devra donc arrêter les marathons, mais elle continuera à courir.
Chaque jour, Rocio court 10 kilomètres. L’été, elle se réveille à 4h30 pour courir, et aux alentours de 6h en hiver, puisque les routes sont plus dangereuses. Beau temps, mauvais temps, Rocio sort courir tous les matins. Sa seule exception? S’il fait plus froid que -20 degrés Celsius.
Au-delà des bienfaits physiques, c’est surtout pour sa santé mentale qu’elle apprécie la course. « J’aimerais que toutes les personnes, et surtout les personnes immigrantes, connaissent les grands avantages de faire de l’exercice. Pas seulement pour le physique, mais plus pour le mental. Pour nous, les immigrants, c’est très difficile de s’adapter, donc faire du sport, ça aide. »
Les cours de francisation au Cégep de Saint-Jérôme
Les classes de francisation sont organisées par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) et occupent les locaux du Cégep de Saint-Jérôme. Le Ministère offre différents programmes, dont celui pour lequel travaille Jean-Pierre Hellebaut : il s’agit d’un programme de jour, à temps plein, qui s’étend pendant quatre sessions de trois mois. Un maximum de 20 élèves sont admis par classe.
Dans chaque classe, les étudiants sont accompagnés de deux personnes : le professeur, dont le rôle est d’enseigner la langue française, et un animateur, dont le rôle consiste à faire découvrir la culture ou l’actualité québécoise, grâce à des activités qui sortent du cadre académique. À titre d’exemple, les étudiants découvrent Saint-Jérôme et ses commerces, écoutent de la musique québécoise ou parlent du cinéma québécois. Cette année de francisation donne une base majoritairement orale aux étudiants. Ils deviennent ensuite relativement autonomes dans leur quotidien, indique Monsieur Hellebaut.
Dans le cadre de son travail, ce dernier côtoie une diversité d’expériences et d’origines. D’abord, l’âge varie énormément : on retrouve à la fois des étudiants âgés de 18 ans et d’autres de 70 ans. Les raisons pour lesquelles ces personnes s’installent au Québec diffèrent aussi. Majoritairement, ce sont des immigrants économiques, qui arrivent donc pour travailler. Mais il y a aussi du regroupement familial et des réfugiés qui ont dû fuir leur pays d’origine. Les étudiants viennent également d’un peu partout dans le monde.