Inspirations de femmes de chez nous
Par Sandra Mathieu
Supplément « La journée internationale des femmes 2019 »
Des femmes des Laurentides de différentes générations et professions –musique, politique, sport, communautaire, affaires – ont accepté de partager leur vision du féminisme et de la parité. Il en résulte des réponses et des textes émouvants et empreints d’émotion, remplis tantôt de consternation, tantôt d’espoir, mais toujours inspirants!
Nathalie Rochon
mairesse de Piedmont
Quelle est votredéfinition du féminismeen 2019 ?
Si je me fie à Wikipedia, il s’agit de : « définir, promouvoir et atteindre l’égalité politique, économique, culturelle, personnelle, sociale et juridique entre les femmes et les hommes. Le féminisme a donc pour objectif d’abolir, dans ces différents domaines, les inégalités homme-femme dont les femmes sont les principales victimes, et ainsi de promouvoir les droits des femmes dans la société civile et dans la vie privée ». Selon moi, cette définition est toujours actuelle en 2019.
Que signifie la parité aujourd’hui selon vous ?
Le besoin d’atteindre un équilibre homme-femme dans toutes les sphères de notre société.
Pourquoi faut-ilencore en parler ?
Malgré de grands progrès, on n’est pas encore là…
Quels sont les grands défis d’être une femme en politique aujourd’hui ?
Les mêmes que ceux des hommes! Peut-être sommes-nous plus critiquées? Définitivement, seules les femmes reçoivent des commentaires au sujet de leur apparence personnelle et de leur habillement.
Des femmes qui vous inspirent particulièrement ?
Côté politique, une femme qui m’inspire pour son authenticité, c’est Françoise David. Dans notre région, ce sont les femmes dirigeantes de nos organismes communautaires. Elles sont nombreuses et elles ont décidé de faire une différence dans notre communauté. Et dernièrement, sur le plan international, Greta Thunberg, la jeune écologiste suédoise.
Marie-Eve D’Amours
Fondatrice de La deMOIs’aile et blogueuse pour Moime.ca
Quels sont les grands défis d’être une femme d’affaires aujourd’hui ?
Un des plus grands défis serait de bien me servir de ce que la nature m’a gentiment donné, ma sensibilité.
Je suis une femme d’instinct, de cœur auquel son «entreprise» est directement connectée. Je commence à me trouver efficace sur le plan de la gestion en laissant mon cœur me guider et non mes peurs…
Un autre défi consiste à trouver un équilibre entre la femme, la conjointe, la maman et l’entrepreneure.
En tant que débutante, ce n’est pas toujours évident, mais j’ai réalisé que quand personnellement, je suis en accord avec mes décisions, les différentes sphères de ma vie suivent le courant, sans être trop ébranlées.
C’est d’ailleurs un modèle inspirant et de courage que je désire transmettre à mes minis.
Bref, comme chaque bonne fille de l’Abitibi, je défriche mon propre chemin professionnel en laissant ma trace.
Quel monde aimerais-tu laisser aux générations futures ?
Cette question me parle beaucoup et fait parfaitement référence à ce que j’ai créé avec « La deMOIs’aile ». « Oser » être soi, je crois que c’est ma principale mission sur terre et j’ai senti que c’était maintenant le temps de donner au suivant, à la génération de belles jeunes femmes en devenir.
Elles sont bombardées par la pression sociale, tout comme les êtres humains sur cette Terre, mais la différence est que l’adolescence rime avec la pleine recherche d’identité.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le « moi » de La deMOIs’aile est mis en évidence.
Lorsque l’on arrive à l’adolescence, on est confronté aux attentes de tout le monde.
Nos parents veulent qu’on soit d’une telle manière. Nos enseignants, nos amis et les réseaux sociaux d’une autre manière. On se perd entre ce que nous sommes vraiment et ce que les autres veulent que l’on soit. Allô la pression sociale! Mais, « qui suis-je? » à travers tout ça. Il faut oser être soi.
Pour la journée de la femme, on parle beaucoup des droits des femmes, du féminisme, d’égalité… Mais je dois dire que personnellement, je ne me suis jamais vraiment sentie diminuée de la part des hommes.
Par contre, j’ai eu à faire face à plusieurs situations délicates où l’on m’attaquait sur différents aspects de ma vie, de la part de la gente féminine (parce qu’oser, ça peut aussi déranger).
On doit non seulement parler de l’égalité, mais également de respect mutuel entre chaque être humain, sans que ce soit nécessairement une question d’identité sexuelle. C’est mon souhait pour la génération future.
Assumons-nous et unissons-nous!
Cendrine Browne
Membre de l’équipe Canada de ski de fond
LE FÉMINISME ET LA PARITÉ SELON VOUS ?
Le féminisme aujourd’hui, ce n’est pas seulement des femmes aux seins nus criants à tue-tête dans la rue. Non, être féministe aujourd’hui, aussi d’est d’être pour l’égalité homme/ femme, d’être pour les droits de toutes les femmes; les transgenres, les femmes de couleur, d’ethnies et de religions différentes. La plupart des gens sont féministes sans le savoir!
Le sexisme est malheureusement bien ancré dans la société depuis très longtemps. C’est vraiment difficile, puisque les gens ne le remarquent même pas; c’est un automatisme. Alors être féministe pour moi en 2019, c’est de faire valoir mes droits en faisant remarquer aux gens lorsqu’ils disent des commentaires sexistes, afin de les faire réfléchir, de les sensibiliser face à leurs paroles et leurs gestes.
Ce sont des petits détails du quotidien, mais qui finissent par s’accumuler. Ces petits détails sont assimilés par notre inconscient et nous fait prendre un rôle que la société nous dicte. Par exemple, dans mon sport, on nous appelle des «ladies», des dames. De mon point de vue, c’est dégradant, même insultant, puisque je ne crois surtout pas qu’une dame serait en mesure de faire ce que je suis capable de faire sur mes skis. Une dame, c’est associé à des qualificatifs tel que : délicate, élégante, douce, a besoin de protection, faible, gracieuse… Mais peu de gens le savent.
De plus, de nombreux commentateurs appellent les athlètes féminines des «girls», des filles, et nous appellent parfois par notre prénom alors que pour les hommes, c’est bien différent. On les appelle par leur nom de famille et on ne leur fait référence qu’en les appelant des hommes. Sans le savoir, cela nous diminue en tant que femmes et nous fait sentir inférieures.
DES FEMMES QUI VOUS INSPIRENT PARTICULIÈREMENT ?
Il y a tellement de femmes féministes qui m’inspirent. Mais dernièrement, une femme qui m’inspire particulièrement est Hayley Wickenheiser. Son message : les seules choses qui retiennent les femmes d’avancer, sont elles-mêmes. Hayley, qui est maintenant assistante directrice pour le développement des joueurs pour l’équipe des Maple Leafs, est la première femme à faire partie du personnel pour une équipe de hockey dans la LNH. Toute sa vie, elle a brisé des barrières du sexisme.
POURQUOI FAUT-IL ENCORE EN PARLER ?
Alors oui, il faut en parler, il faut sensibiliser les gens quant à leurs paroles et leurs actions, qui peuvent être, sans qu’ils ne s’en rendent comptent, sexistes et dégradantes. Il ne faut pas avoir honte de contribuer au sexisme, mais c’est définitivement quelque chose dont il faut être au courant. Des fois, il faut s’arrêter et prendre le temps de réfléchir sur le fondement de nos actions afin d’améliorer le monde dans lequel on vit.
Elizabeth Shepherd
Musicienne et chanteuse jazz internationale
Quelle est votre définition du féminisme ?
Pour moi, le féminisme s’applique autant aux femmes / filles qu’aux hommes / garçons. C’est un dialogue qui cherche à encourager une pleine liberté de mouvement, d’opportunités et d’identité pour tous, au delà du cadre habituel qui favorise la croissance et le privilège des hommes souvent au détriment des femmes.
Que signifie la parité aujourd’hui ?
La parité pour moi, c’est une absence de privilège pour certains. Ceci se fait par étapes, je crois. Il s’agit d’abord de reconnaître le privilège et les privilégiés, et par la suite, de tenter de rectifier la situation en s’assurant que tous et toutes ont accès aux mêmes opportunités.
Pourquoi faut-il encore en parler ?
C’est simple : parce qu’on n’en est pas encore là! Nous voyons toutes sortes de déséquilibres de pouvoir, voire même d’abus. Nous sommes encore témoins de toutes sortes de violence envers les femmes. Mais ce qui m’encourage, c’est l’explosion du dialogue qui souligne à quel point ceci n’est plus acceptable.
De quelle façon tu rends hommage aux femmes dans ta création ?
J’écris mes paroles d’une perspective féminine. Je tente de souligner quelles sont nos préoccupations et de trouver une façon de contribuer à un dialogue qui encourage la voix et la diffusion de cette perspective. Mon test avec une chanson, c’est de me demander : est-ce que mes filles seraient fières de moi ?
Des femmes qui vous inspirent particulièrement ?
Frida Kahlo, Angela Merkel, Michelle Obama, Meryl Streep, entre autres.
Nadia Angers
Directrice générale de la Caisse Desjardins de la Vallée des Pays-d’en-Haut
Quelle est votre définition du féminisme en 2019 ?
Pour moi la définition du féminisme en 2019 peut varier beaucoup selon la société dans laquelle on se trouve. Dans notre société, le féminisme est selon moi le respect de la femme, de la diversité, l’égalité des chances autant dans l’éducation que sur le marché du travail et bien sûr l’équité salariale. Le féminisme est donc la recherche de l’égalité même s’il est important de reconnaître qu’hommes et femmes sommes différents. Pour moi, cette dernière affirmation est importante. Les femmes n’ont pas besoin d’adopter les traits d’un homme, nous sommes différents, c’est tout.
Que signifie la parité aujourd’hui, selon vous ?
La parité est l’égalité des chances, une meilleure représentation des femmes dans la prise de décision et de la gouvernance des organisations. On pourrait croire qu’en 2019 plusieurs obstacles sont derrière. Certains traits de caractère peuvent être présumés ou exigés pour certaines emplois, ceux-ci ressemblant davantage à des traits de caractères masculins alors qu’une femme pourrait faire aussi bien le travail. Il y a quelques semaines, j’assistais à un forum de l’ensemble des Caisses Desjardins où des objectifs en matière de parité ont été proposés aux caisses et dans les différentes instances, preuve que le sujet est encore d’actualité.
Pourquoi faut-il encore en parler ?
Parce qu’il y a encore du chemin à faire pour l’apport des femmes dans des postes d’entrepreneurs, de haute direction ou dans les conseils d’administration. Ce qui me fait un peu de peine, c’est que lorsqu’on impose des objectifs de parité, les femmes ont l’impression que leurs compétences sont reconnues pour remplir des objectifs de parité alors que je rencontre et côtoie des femmes très compétentes tous les jours. Il faut donc continuer d’en parler. Je ne me considère pas comme une féministe mais je suis consciente que des femmes ont fait de grandes choses avant moi! Plusieurs hommes m’ont accompagnés dans ma carrière et ont contribué à ce que je suis aujourd’hui. Tous étaient des hommes ouverts, qui ne faisaient pas de distinction et misaient sur notre complémentarité.
Quels sont les grands défis d’être une femme d’affaires aujourd’hui ?
Bien s’entourer est important. Il est difficile d’être parfaite ou compétente dans tous les domaines, alors il y a un lâcher-prise à faire. La culpabilité est un autre grand défi, certaines femmes n’osent pas, car elles se sentent coupables de laisser tomber certaines sphères de leurs vie, alors qu’il est tout à fait possible de les concilier. Certains conjoints se sentent fragilisés par le succès de leur femme et ne les encouragent pas. Mais un conjoint aidant est un accélérateur de carrière et j’ai la chance d’avoir un tel appui. Il faut accepter aussi que nous sommes différentes des hommes dans la prise de décision ou dans notre façon de faire les choses. Et en terminant la confiance en nous est importante. N’hésitons pas de signifier les défis que nous voulons atteindre!
Des femmes qui vous inspirent particulièrement ?
Plusieurs femmes que je côtoie sont inspirantes. J’ai la chance d’en avoir comme employées, comme gestionnaires au comité de direction et au conseil d’administration de la Caisse. Cela m’inspire beaucoup! Plusieurs nouvelles mairesses dans la MRC m’inspirent également beaucoup.
Et il y bien sûr des femmes comme Michelle Obama et Danielle Henkel.
Nadine Brière
Mairesse de Sainte-Adèle
Quelle est votre définition du féminisme ?
Le féminisme pour moi en 2019 c’est de mettre les femmes sur le même pied d’égalité que les hommes dans tous les domaines. Je pense aussi qu’il faut arrêter de prendre les femmes pour des êtres fragiles, nous sommes fortes et capables d’en faire autant que les hommes.
Que signifie la parité aujourd’hui ?
Si on parle de parité homme-femme en politique, moi je vous dirais qu’il faut plus un équilibre homme-femme. Nous travaillons de manière différente et notre regard est différent. Il faut donc trouver le bon équilibre et pas seulement la parité.
Pourquoi faut-il encore en parler ?
Parce que celle-ci n’est pas encore une norme. J’espère un jour que nous cesserons de parler de parité parce qu’elle sera la règle.
Quels sont les grands défis d’être une femme en politique aujourd’hui ?
La vie politique est un monde hostile, un monde agressif même, un univers qu’on peut avoir envie de quitter certain jour. Il faut donc se faire une carapace et cesser de mettre de l’énergie sur le négatif. La vie politique comporte aussi du positif et, heureusement, le positif l’emporte toujours sur les jours plus sombres. Il ne faut pas perdre de vue notre intention première.
Des femmes qui vous inspirent particulièrement ?
J’ai une grande admiration pour les femmes qui possèdent leur entreprise. Pour avoir grandi avec un père et une mère possédant leur propre entreprise, je sais combien c’est exigeant. Posséder son entreprise, c’est aussi être en mesure de faire autant « la job » de secrétaire, de comptable, de marketing, de la vente, bref, c’est être partout. Je lève donc mon chapeau à toutes les femmes qui sont à la tête de leur propre entreprise.
Sandrine Béchade
cofondatrice et vice-présidente de Vital Productions
Réalisatrice, auteure, scénariste et productrice au contenu
Dans un texte senti et empreint d’émotion, Sandrine Béchade répond à nos questions :
Quelle est votre définition du féminisme? Que signifie la parité aujourd’hui ? Pourquoi faut-il encore en parler ? De quelle façon rendez-vous hommage aux femmes dans vos créations ? Quelles sont les femmes qui vous inspirent particulièrement ? Quel monde aimeriez-vous laisser à vos enfants?
Je suis de la génération dite « X », une enfant unique de parents divorcés, élevée par une baby-boomer féministe. Quand j’étais assez grande pour faire mon entrée dans mon milieu de travail, on ne croyait pas encore au cinéma féminin. La majorité des œuvres audiovisuelles étaient réalisées, scénarisées et produites par des hommes, les femmes se trouvant la plupart du temps devant les caméras… tant qu’elles étaient jeunes et belles!
Depuis quelques années, un réel désir d’atteindre la parité s’est concrétisé en mesures intégrées par les organismes gouvernementaux qui subventionnent notre cinéma (Téléfilm, la Sodec, l’ONF). Grâce à ces actions concrètes, des réalisatrices font surface, et visiblement, leur cinéma est aimé : le film Chien de garde de Sophie Dupuis représentait le Canada cette année dans la course aux Oscars, alors que Marguerite de Marianne Farley y est nommé dans la catégorie meilleur court métrage de fiction. Même Hollywood repense la place faite aux femmes en cinéma.
Ce vent de changement est inspirant. Il m’a redonné confiance d’avoir une place légitime dans mon milieu. Celles qui ont la trentaine et moins ont grandi avec la conviction d’avoir une voix tout aussi importante que leurs confrères, mais elles ont aussi entendu leurs mères et leurs grands-mères leur raconter le parcours et le travail qui furent nécessaires pour en arriver là.
Quand j’ai réalisé le documentaire biographique Lise Watier, une vie à entreprendre (Radio-Canada, 2015), quelque chose en moi a changé. Côtoyer durant un an la femme d’affaires déterminée – qui est aussi une mère et une femme de cœur – m’a fait découvrir ma propre force latente; celle qui est souvent restée inexploitée par les femmes de ma génération. Lise a été pour moi, comme pour plusieurs autres, une inspiration. Je ne me maquille pas, ou peu, ce n’est donc pas tant son entreprise qui m’a marquée plus que la femme forte qui n’hésite pas à défendre ses idées avec détermination et conviction. Une femme qui a une telle confiance en ses projets qu’elle a réussi à percer alors qu’on lui répétait que c’était impossible.
J’ai deux filles et un garçon âgés de 18 à 13 ans. Comme ma mère l’a fait pour moi, je n’hésite pas depuis qu’ils sont petits à verbaliser une situation, une parole, un acte que j’estime sexiste ou discriminatoire.
En nommant les choses calmement, on apprend à les distinguer et à ne pas les considérer comme anodines. Aujourd’hui, j’entends mes filles exprimer tout haut leurs propres observations à leurs ami.e.s. Je les sens fortes et en confiance.
Il faut voir ma plus vieille débattre avec des arguments difficiles à démonter quand elle a une idée en tête, et ma plus jeune se démener quand elle joue au basketball – et revenir pleine de bleus parce qu’elle a défendu son ballon comme une guerrière! À travers ça, elles assument leur féminité ; elles sont belles et bien dans leur corps. Elles sont les femmes de demain et à mes yeux, l’équilibre semble atteint. Mais ce n’est pas gagné auprès de tous les jeunes de leur génération et l’histoire nous démontre qu’il faut savoir rester vigilant.e.s. concernant les acquis sociaux.
On a aussi le devoir de nous occuper de nos garçons pour qu’ils trouvent leur place et qu’ils la partagent naturellement avec leurs sœurs. À nous de dessiner de nouveaux repères dans l’idée qu’un humain peut apporter sa contribution à la société sans y voir son rôle déterminé par son sexe.
2 commentaires
je crois qu’il faut avoir confiance absolu en nous être vivant homme ou femme.
Et cette confiance nous viens de la place que nos parents nous ont fait dans la vie et l’enseignements des valeurs qui nous rejoignent. En laissant juge de soi-même notre direction de faire la différence.