À quoi va ressembler ma vie sexuelle?
Par Valérie Spitzer
Il faut s’aimer pour pouvoir se donner à l’autre et vivre une sexualité épanouie… Mais comme il est difficile de s’aimer lorsque le corps s’étiole et combat courageusement le cancer! Les effets secondaires des traitements se font souvent sentir et, pour la plupart des femmes, le désir sexuel risque d’être fortement émoussé, voire complètement éteint.
Qu’en est-il de l’après-cancer? Ma vie sexuelle va-t-elle redevenir comme avant? Est-ce que cela va faire mal? Comment faire si je n’ai plus de désir? En réponse à ces questions et ces peurs bien légitimes, faisons le point avec Élise Bourque, sexologue à Mirabel, et Marie-Claude Boucher, sexologue spécialisée en onco-sexologie, à Saint-Jérôme. Celle-ci a d’ailleurs pour projet d’animer prochainement des ateliers sur le thème du cancer du sein et de la sexualité.
Perte de libido?
La personne atteinte du cancer est en mode survie, elle combat la maladie, il est donc probable que le désir disparaisse même si, dans certains cas plus rares, il va perdurer. Une fois le traitement terminé, cela peut aller jusqu’à deux ou trois ans pour que tout revienne à la normale. Pour d’autres, cela sera moins long. Le couple peut devenir plus proche après cette épreuve et la relation plus forte.
L’image de soi
Elle est à reconstruire, encore plus si vous devez subir l’ablation partielle ou complète du sein. Il est important de vivre toutes les étapes du deuil afin d’être capable de s’accepter. Plutôt que de dénigrer notre corps, nous devons oublier les stéréotypes de la beauté conventionnelle et nous rappeler qu’il a contribué à combattre la maladie. Le rôle du conjoint est aussi fondamental; il doit rappeler régulièrement à sa femme à quel point il la trouve belle et toujours désirable.
Pendant l’acte, certaines femmes préfèrent mettre des soutiens-gorge. Mme Bourque suggère de les choisir de couleur crème, afin que cela ne crée pas de contraste avec la peau. D’autres préfèrent se montrer à nu.
Prendre soin de soi
Élise Bourque rappelle qu’il faut se trouver belle pour avoir du désir. «J’ai eu plusieurs témoignages touchants de femmes qui se sentent tellement mieux, après avoir eu le cancer, qui a agi comme un catalyseur. Elles ont pris davantage de temps pour elles, elles marchent, elles mangent sainement. Cela leur permet de se sentir à nouveau désirables.»
Redéfinir sa sexualité
Après les traitements, le corps est en rémission, il peut y avoir de la sécheresse vaginale et on peut ressentir de la douleur en faisant l’amour. Il faut se donner du temps. La sexualité ne doit pas forcément passer par la pénétration vaginale! On doit repenser son intimité, se donner des massages, se cajoler, se toucher, s’embrasser.
Mettre fin à la douleur
Pour contrer la sécheresse vaginale, on peut mettre du lubrifiant, mais Mme Boucher précise que cela ne suffit pas toujours. Plusieurs de ses clientes ont obtenu de bons résultats avec la rééducation périnéale, faite par un physiothérapeute. Une dizaine de rencontres sont probablement à prévoir.
Communiquer ses peurs
Il est important de ne pas fuir ses peurs, mais de les exprimer, partager ce que l’on ressent. Ne pas s’en vouloir si l’envie n’est pas là. Le conjoint doit faire preuve de patience et d’empathie. Lui aussi doit apprendre à communiquer. «Tu me manques, peux-tu me caresser ou est-ce que je peux te caresser?»
Comment faire pour que mon désir renaisse?
Le désir, cela se passe aussi dans le cerveau! Il faut retravailler son cerveau, arrêter la roue «je n’ai pas de libido» et alimenter le désir. Cesser l’évitement et recréer, avec son conjoint, l’espace du plaisir. Autant Mme Bourque que Mme Boucher suggèrent de faire quelques lectures érotiques, ce qui s’avère souvent très stimulant pour la femme.
On fait l’amour, mais sans attente! Et on dédramatise: «Ce n’était pas génial, mais ce sera mieux la prochaine fois!» Cela permet également de redonner de l’espoir au conjoint. Si on ressent de la fatigue, on prend des positions qui requièrent peu d’énergie et le conjoint est celui qui joue un rôle plus actif.
L’aide d’un sexologue
Quelques séances avec un sexologue peuvent aider à combler le fossé qui s’est parfois créé entre les conjoints et dissiper la gêne. Des exercices en réappropriation sensorielle sont également proposés par MmeBoucher.
Enfin, Mme Boucher rappelle que le fait d’avoir subi l’ablation d’un sein revêt beaucoup moins d’importance pour l’homme que ce que la femme pense. Terminons sur le témoignage touchant d’un homme dont la conjointe a eu un cancer du sein et a dû subir l’ablation des deux seins: «On t’aurait coupé aussi les deux bras que je t’aimerais et te désirerais toujours autant!»